Zine
Corruption identitaire
À mon arrivée, une fois la cavité bien dilatée, ils pis eux m’ont donné ce cadeau. Comme une taxe de bienvenue qu’on impose aux nouveaux arrivants d’un quartier. J’suis pénétrée dans mon enveloppe corporelle par courrier express inimaginant la suite, sans l’infime parcelle d’hectare de champ des possibles, juste en pleurant, sûrement. J’ai enfilé mes deux bras pis mes pas de dent, autrement ma mémoire est amnésique de mon entrée ici d’dans. Dehors. Respirer est vite devenu une nécessité. Pas trop fort qu’ils disaient, au cas où je m’approprierais l’air d’un voisin ou que je dérangerais les gens que je ne connaissais pas. Encore. J’ai amorcé ma vie avec un muffler dans gorge en guise de paire de bas pour m’empêcher de crier, pour étouffer mes intensités. Du bonheur, de la souffrance, peu importe, tant que je le fasse en silence. Vivre dans une congestion buccale au rythme du trafic pis devoir trouver ça normal.
La normalité m’a fait ravaler avant même d’avoir prononcé jusqu’à déborder de langage en manque de structure, d’appels à l’aide mal formulés, laissant seulement une incompréhension ambiante. J’suis tout trempe d’essayer de bien paraître. L’eau dans cave, les chevilles pleines de rétention d’eau, la promesse d’une habitude hypothermique. Les mesures de mon corps ont mal été prises. Au début, le plan était peut-être bon; la soumission s’est bien déroulée, mais une fois la construction entamée y’a une couple de vices qui se sont cachés. Ma vie a été construite en 2X4 pis les défauts de fabrication gagnent de mon terrain. J’ai beau m’enfuir, mes jambes courent plus vite que moi. Les 32 colonnes couleur glow in the dark drillées au beau milieu de ma face m’assurent la permanence d’une veilleuse la nuit. Faudrait surtout pas que la peur me pogne au cou. Mes défenses tracent les poignets, bracelets de mes incisives, un Au secours ornemental. La seule arme qu’ils m’ont donnée fait saliver, dresser les poils de leur chair entre mes crocs qui sont incapables de mordre. J’me retrouve noyée dans leur bave, glissades humides regards pesants. Le complot du dédommagement esthétique démasqué.
L’avortement de ma voix a permis l’aiguisoir de mon ouïe. Terrain fertile pour planter les crayons de plomb servant à écrire vos instructions noir sur blanc. Pareil que sur les modes d’emploi. Au creux de mes tympans, s’émiettent désormais vos ordres. La mine basse. Recouvrant grossièrement ce sol trop longtemps balayé, pardonné, ignoré, aseptisé d’indésirables vérités. Poussière rassurante. Dépouilles et retailles d’une ancienne moi; de ce que j’aurais pu être avant vous. Je fais la grève de la courtoisie pour une durée indéterminée. C’est à mon tour de vivre. Vivre au temps des moissons; le temps d’irriguer mes gencives desséchées d’approbations. Arrêter de sourire; de vous subir. Arrêter de me soumettre à votre soif qui m’a creusé le corps. Si j’ai grandi en me faisant toujours plus petite, souri pour vous faire briller et tué pour permettre votre éloquente parole, je continue mon chemin sans ce vous référentiel, sans cette crainte de désillusion. J’ai un trop plein d’accumulé dans le profond de ma gorge. À tort de ne pas avoir appris à crier, je crache maintenant plus loin, munie d’un manque de classe qui n’est de toute façon pas la mienne. Je crache vos désirs. Je crache vos volontés. Je crache vos manières. Je crache votre matière qui m’a jadis pourrifiée.
Nous, n’existe pas.