Reprendre racine
La mort de la mère et la mémoire : réappropriation du mythe dans Feue d’Ariane Lessard
Dans Feue, Ariane Lessard peint le portrait morcelé d’une mère incompatible avec son environnement, lequel est bâti sur un mode de pensée patriarcal.
Dans son ouvrage Cartographie du féminin dans l’utopie, Claude Cohen-Safir mentionne que « dans leur aspiration au ressourcement, les utopistes ont souvent recours au mythe de la terre-mère ou de la Grande Déesse. Cette figure est emblématique du pouvoir nourricier dont elles veulent démontrer qu’il est celui des femmes » (2000, p. 183). En effet, chez les militantes écoféministes, l’oppression des femmes est associée à l’exploitation de la nature par l’homme comme l’explique la journaliste et essayiste Mona Chollet dans Sorcières, la puissance invaincue des femmes (2018, p. 224). Pour changer un imaginaire trop souvent au service d’idéologies réductrices pour les femmes (Chollet, 2018, p. 227), ces dernières se dotent de figures mythiques qui allient puissance, liberté et création, des caractéristiques souvent attribuées à la nature. Ainsi, célébrer la figure de la terre-mère, puissance créatrice s’il en est une, renverse le mode de pensée religieux patriarcal qui condamne la femme à expier infiniment le péché originel (Chollet, 2018, p. 202) pour plutôt célébrer sa force féconde. Considérer le pouvoir créateur comme féminin change-t-il notre rapport au monde? Un langage qui s’articule autour des femmes plutôt que des hommes est-il hors de portée d’une compréhension du monde conditionnée par le patriarcat? Dans Feue1 Feue est le premier roman d’Ariane Lessard, publié aux éditions La Mèche en 2018., Ariane Lessard peint le portrait morcelé d’une mère incompatible avec son environnement, lequel est bâti sur un mode de pensée patriarcal. Elle ne trouvera la solution à cette incompatibilité que dans la mort. Dans cet article, je tenterai de montrer que le suicide de Vanessa permettra, d’abord, la filiation des femmes de la famille Bellay et, ensuite, une réécriture féministe des mythes fondateurs de l’imaginaire sur lequel est fondé le village du roman.
Feue relate l’histoire de la famille Bellay par les voix des gens d’un village traversé d’une autoroute. Dans un effet choral où chaque personnage se voit attribuer un chapitre dont il ou elle est narrateur.rice autodiégétique ou homodiégétique2 Un.e narrateur.rice autodiégétique raconte sa propre histoire; il ou elle est le personnage principal. Un.e narrateur.rice homodiégétique fait également partie de l’histoire qu’il ou elle raconte, mais en tant que témoin. (Kaempfer et Zanghi, 2003). , les villageois.es racontent les événements étranges qui se sont produits au village sur une période d’environ dix ans. L’absence de référents temporels et géographiques rend tangible l’effet d’isolement que subit le village. Les événements ne sont pas racontés en ordre chronologique, mais le lectorat peut reconstituer le contexte suivant : Vanessa Bellay a donné naissance à deux filles, Laura et sa sœur cadette Virginia. Cette dernière est née de l’union de sa mère et de Robert Bellay, alors que Laura est née de l’union extraconjugale de Vanessa avec Mitchell Jefferson. Les Bellay vivent dans la maison de feu Arthur White, le père de Vanessa, un ancien propriétaire d’esclaves qui avait fait fortune. Cette résidence est située un peu à l’écart du village, en hauteur. Ce fut autrefois une grande demeure distinguée. Toutefois, une dizaine d’années avant le suicide de Vanessa, la maison des Bellay a pris feu. L’auteur.e du crime est inconnu.e, mais il est facile de soupçonner Vanessa, puisqu’elle n’a pas cherché à éteindre l’incendie, contrairement aux hommes du village. Elle s’y est plutôt laissé périr avec ses deux filles avant d’être sauvée, malgré elle (Lessard, 2018, p. 163 Dorénavant, les références à cet ouvrage seront indiquées par la lettre F.). La maison des Bellay est, depuis, en débris.
Chacun.e a sa théorie sur les événements qui entourent la mort de Vanessa : Virginia affirme la voir et lui parler, Laura pense qu’elle a été tuée par Robert, et ce dernier mentionne l’avoir retrouvée pendue dans la grange. D’ailleurs, il est difficile de se fier aux différent.e.s narrateurs.rices. Virginia est une enfant, en plus d’être considérée « folle » par les villageois.es; Laura est si cachotière qu’elle ne révèle même pas aux lecteurs.rices son vrai nom (F, p. 118); Robert est un alcoolique qui passe ses jours à boire. Rien ne nous assure que ces dernier.ière.s ne racontent pas de mensonges, ce qui rend la découverte de la vérité d’autant plus ardue. Grâce aux indices qu’elle retrouve dans le courrier des autres protagonistes, Sarah Stanford, la commis du bureau de poste, décide d’enquêter sur cette affaire. Son investigation la mène à la cabane de Mac, le barman du village. Elle y retrouve le cadavre de Vanessa dans un bocal, prêt à être empaillé. Travaillaient sur la dépouille Mac, Matt Stanford, Mitchell Jefferson et Greg Danes, les hommes des principales familles qui peuplent le village.
Le discours social du village
Comment, donc, faire confiance aux narrateurs.rices ? Les lecteurs.rices ne peuvent jamais être certain.e.s de la véracité des faits que les personnages relatent, puisque ceux-ci ont chacun leurs raisons d’omettre des informations, ou encore parce qu’ils s’expriment d’une manière inhabituelle, poétique ou métaphorique, qui demande au lecteur de décrypter le sens concret de leurs dires. C’est le propre du roman polyphonique4 Le théoricien littéraire Mikhaïl Bakhtine a défini et détaillé la polyphonie dans son ouvrage Problèmes de la poétique de Dostoïevski : « La multiplicité de voix et de consciences indépendantes et non confondues, l’authentique polyphonie de voix pleinement valables est effectivement la particularité profonde des romans de Dostoïevski. Il n’y a pas dans ses œuvres pluralité de caractères et de destins se développant au sein d’un unique monde objectif éclairé par l’unique conscience de l’auteur, mais véritablement multiplicité de consciences pleinement qualifiées, possédant chacune leur monde et se combinant ici dans l’unité d’un événement tout en restant non confondues. » (1929/1970, p. 11) : les personnages s’émancipent d’une structure narrative unidirectionnelle pour faire évoluer le récit selon leurs envies. Ainsi, ce type de lecture présente la particularité de ne pas évoluer selon une ligne diégétique claire, mais plutôt de rassembler différents récits propres à chacun des personnages. Chaque narrateur.rice peint sa propre réalité. Par exemple, dans Feue, la manière dont Abel raconte son histoire le décrit comme un jeune premier qui va se perdre dans un village maudit. De son côté, Vanessa narre le récit de la nature, de ses enfants et de leurs effets sur ses états d’âme. C’est l’ensemble des discours de tous les personnages qui crée le roman.
De cet ensemble de récits, le lectorat peut identifier des traits dominants et donc retrouver certaines répétitions chez les protagonistes. Dans son ouvrage 1889, un état du discours social publié en 1989, Marc Angenot définit le discours social comme étant la totalité des discours publiés, narrés, racontés d’une société à un moment donné :
[…] appelons « discours social » non pas ce tout empirique, cacophonique à la fois et redondant, mais les systèmes génériques, les répertoires topiques, les règles d’enchaînement d’énoncés qui, dans une société donnée, organisent le dicible – le narrable et l’opinable – et assurent la division du travail discursif. (1989/2014, s.p.)
Grâce à la structure polyphonique du roman, la notion de « discours social » peut être aisément étudiée dans la microsociété que constitue le village de Feue. Il semble qu’il s’établit une norme dans l’ensemble des récits et que les propos que tiennent Virginia et Vanessa s’en éloignent, relevant de l’« indicible ». Leur discours est très différent de ceux de la majorité des personnages, tant dans leur forme que dans leur contenu. En effet, Vanessa a une perception métaphorique du monde qui l’entoure. Sans même le savoir, elle est poète. Dans le roman, les chapitres qu’elle narre sont des monologues intérieurs rédigés sous une forme de litanie où syntaxe et ponctuation sont inexistantes. En décrivant son jardin, elle dit :
Le jardin par la porte de la cuisine l’odeur de la terre et les rayons de soleil sur ma peau c’est joli les grands arbres les branches comme des bras sur le chemin dans le bois en pantoufles bientôt mes pieds dans l’eau glacée elles dorment. (F, p. 50)
Vanessa ne s’exprime pas en phrases grammaticalement « correctes » composées d’un sujet, verbe et complément. Plutôt qu’expliquer les éléments de sa journée en suivant une chronologie, elle associe ses idées à des sensations et à des impressions. De plus, l’absence de structure grammaticale montre que l’organisation de la pensée de Vanessa ne se fait pas sur le modèle du récit, comme pour la majorité des personnages, mais plutôt sur celui de la poésie. Les branches des arbres, qu’elle trouve jolies, lui rappellent des bras. De ce fait, elle personnalise l’arbre. Les frontières entre le fantastique et le réel deviennent poreuses chez Vanessa. Elle évoque à plusieurs reprises les « fées » qu’elle retrouve dans la forêt (F, p. 61). Elle fait également référence à des phénomènes surnaturels qui se produisent chez elle, comme les planches de bois qui se déplacent seules dans la nuit (F, p. 11). Cette confusion entre la réalité et la fiction est partagée par Virginia. Laura mentionne, en parlant de sa sœur cadette :
Elle tient ça de votre mère, la fantaisie, et puis vous avez toujours dû mentir, ça devient plus facile de se duper soi-même. Tout ça l’a complètement dérangée. Elle est encore jeune, mais elle deviendra bientôt une femme. À douze ans, elle ne peut plus se permettre de parler de maman comme si elle était là. Elle fait la vie dure à votre famille en jouant de cette façon avec la réalité. Au village, tu le sais comment on vous traite. Les filles de la Bellay, la femme perdue. La folle. (F, p. 75)
Ici, Laura explique comment Virginia continue de parler ouvertement de leur mère comme si elle était vivante alors qu’elle est morte. Laura nomme cette manie « la fantaisie », dont sa sœur aurait hérité de Vanessa. Cette « fantaisie » paraît découler de la perception métaphorique du monde mentionnée précédemment, où les éléments ne sont pas associés par un lien chronologique et linéaire, mais plutôt par l’impression qu’ils donnent au personnage. Laura souligne que Virginia « fait la vie dure à [leur] famille » en jouant ainsi avec la réalité parce que les villageois.es ne comprennent pas cette perception différente de la leur. Vanessa est incomprise et rejetée par le village, qui considère sa fille Virginia et elle comme étant des « folles », des « dérangées » (F, p. 103).
Le discours dominant du village est, quant à lui, machiste et puritain. Margaret, la coiffeuse du village et la femme de Mitchell, est un personnage de commère qui se plaît à juger les gens selon un modèle sexiste complètement intériorisé. Selon elle, Vanessa est folle :
Est ben trop détraquée pour prendre soin d’un bébé… Ben lui, l’père, y est parti, pus revu. Comme les fils des Delaney, qui r’viendront jamais ici ! Y s’cherchent des filles respectables, y savent c’qu’y valent, eux autres. Ben pas moins d’deux mois après qu’y soit parti, son ex là, Vanessa s’marie avec un autre, pis y voulaient faire croire à sa paternité. (F, p. 103)
Margaret blâme Vanessa pour avoir été abandonnée par le père de sa future fille. Alors que les hommes s’enfuient et laissent les femmes aux prises avec de lourdes responsabilités, Margaret encourage leur départ parce que, selon elle, leurs compagnes ne se comportent pas adéquatement. Cette opinion est partagée par plusieurs personnages, comme Robert, Joey et Abel. Dans l’extrait ci-dessus, nous apprenons aussi que Laura n’est pas la fille biologique de Robert, mais d’un homme qui a abandonné Vanessa alors qu’elle était enceinte (nous apprendrons plus tard qu’il s’agissait de Mitchell). Vanessa aurait caché la vérité au village en se mariant en vitesse avec Robert et en prétendant qu’il était le père. Si Vanessa a éprouvé le besoin de mentir à propos de l’identité du père de sa fille, cela implique que le village porte un lourd jugement sur les naissances hors mariage. Il semble que, dans l’idéologie des villageois.es, les femmes soient toujours les coupables de leurs malheurs.
À cet égard, dans son ouvrage Sexes et parentés, Luce Irigaray souligne que « notre imaginaire fonctionne toujours selon le schéma qui se met en place à travers les mythologies et tragédies grecques » (1987, p. 23). En effet, certains mythes semblent se réitérer dans les fictions modernes. Dans Feue, on retrouve dans les pensées des habitants du village des structures idéologiques millénaires qui semblent conditionnées par les mythes et qui viennent orienter le discours social.
En se situant dans un entre-deux, entre la vierge et la putain, le personnage de Vanessa enfreint les lois sociales. La mère désirée et désireuse devient d’emblée une figure inquiétante puisqu’elle est hors norme.
D’abord, selon plusieurs personnages du roman, le rôle social de la femme oscille encore et toujours entre mère et prostituée, comme le sont respectivement les personnages bibliques de Marie et Marie-Madeleine. Les villageois.es ne peuvent associer maternité et désir féminin. Effectivement, Margaret, Abel, Robert et Joey manquent de respect envers Vanessa ou l’insultent allégrement parce qu’elle est coquette tout en étant mère. Joey est un exemple éloquent de discours masculiniste : « J’voudrais la voir tout nue à ‘rivière, comme Henri, l’gars d’Stanley. Y a dit c’tait beau à voir. Qu’a l’avait des beaux gros seins pis un duvet entre les cuisses… » (F, p. 101). En se situant dans un entre-deux, entre la vierge et la putain, le personnage de Vanessa enfreint les lois sociales. La mère désirée et désireuse devient d’emblée une figure inquiétante puisqu’elle est hors norme. Elle est notamment diabolisée et méprisée par le discours des hommes du village et par celui de Margaret, car elle possède une sexualité assumée. Pour cette raison, elle se fait accoler les étiquettes de « détraquée » et d’« inapte à avoir des enfants » (F, p. 103). Incarnant, de plus, la « séductrice » du village, Vanessa est décrite ainsi par Joey, enfant :
La Bellay s’promène su’a rue dans sa robe rouge. On la suit pis j’r’garde ses cheveux flatter sa peau. A l’a des cheveux longs. Ma mère s’les coupe depuis toujours. […] Moi j’aime les cheveux d’madame Bellay. Y lui donnent une belle allure. J’aime quand on la croise au dépanneur. A marche avec des talons. (F, p. 101)
Une femme avec des talons hauts, des cheveux longs et une robe rouge est un cliché puissant qui semble, au premier abord, appartenir à l’imagerie de la séduction et du danger. Elle rappelle les personnages mythiques que sont les ménades, ces femmes acolytes de Dionysos, vêtues de rouge, qui dévoraient les hommes seuls qu’elles croisaient lorsqu’elles étaient en état d’ivresse (Hamilton, 1942/2009, p. 69). La figure symbolique de la séductrice se réitère encore et toujours dans les mythes et les fictions. Il n’y a qu’à penser aux sirènes, ces illusionnistes qui séduisent les marins pour les rendre fous et, finalement, les dévorer.
Par ailleurs, la figure de la sorcière est aussi celle d’une force occulte féminine dont il faut se protéger. Dans son ouvrage États de femmes : identité féminine dans la fiction occidentale, Nathalie Heinich écrit que n’importe quelle caractéristique qui provoque la fascination peut être accusée de sorcellerie (1996/2018, p. 288). Une très belle femme peut être suspectée d’être sorcière, puisque
[l]’exceptionnelle beauté devient le signe d’un pouvoir occulte dont la version profane (l’attirance sexuelle) est la manifestation […]. Le désir que suscite son apparence physique lui est imputé comme une responsabilité morale, faisant d’elle aux yeux des autres une débauchée, une nymphomane. (Heinich, 1996/2018, p. 288)
Avec le temps, les féministes se sont réapproprié ces personnages fantastiques que sont la sirène et la sorcière, qui détiennent des pouvoirs que les hommes n’ont pas (Pavleski, 2019). Dans Feue, les trois femmes Bellay fascinent par leur beauté, ce qui leur vaut d’être diabolisées et vues d’un mauvais œil. Vanessa, Laura et Virginia « charment » les hommes qui deviennent obnubilés par leur beauté. Par exemple, Abel, obsédé par Virginia, la suit et l’espionne. Ce type de harcèlement n’est jamais assumé par les hommes du village, qui blâment la beauté maléfique de ces femmes qu’ils n’arrivent pas à posséder. Abel mentionne que les femmes Bellay l’ont « perdu », les rendant responsables de sa misère (F, p. 25). À la manière des sirènes et des sorcières, Vanessa, Laura et Virginia ont un pouvoir d’attraction sur les hommes et la capacité de leur faire perdre leur sang-froid. De plus, Vanessa, la séductrice, ne s’empêche pas d’être coquette et pratique la nudité malgré l’opposition de l’opinion publique. Ainsi, elle garde le contrôle sur son corps et ne le soumet pas aux lois implicites et puritaines du village. Les personnages masculins sont donc méfiants et frustrés devant ce corps féminin insoumis.
En somme, le discours social du village emprisonne les femmes dans une dichotomie mère/prostituée où celles qui dérogent des normes deviennent monstrueuses et méritent d’être répudiées, comme c’est le cas de Laura, Virginia et Vanessa. Ce rejet de la part des gens du village est ce qui mènera, éventuellement, au suicide de Vanessa.
La cartographie du récit
Ces femmes « maléfiques » vivent dans un espace décrit comme monstrueux : leur maison imposante et abandonnée à l’usage du temps, surplombant le village, a de quoi rappeler la demeure de nombreux personnages fantastiques. Celle de Dracula et celle de la bête de La belle et la bête en sont des exemples. Dans Feue, ce n’est pas seulement la maison qui provoque un effet d’étrangeté. D’autres espaces du récit sont aussi connotés comme inquiétants, à l’image de la forêt décrite par Anne Dufourmantelle dans son essai La sauvagerie maternelle :
La forêt est perçue dans l’imaginaire occidental comme le lieu de l’archaïque par excellence, lieu du maternel, de l’inconscient, de l’égarement, de la déraison. Opposé à la clairière dont l’étymologie remonte à lucus, l’œil de la raison. Si les forêts apparaissent dans nos religions comme lieux profanes, elles se donnent aussi comme sacrées. Au Moyen Âge, elles sont considérées comme des zones refuges non soumises aux lois de la cité où se réfugient les parias, les pestiférés, les sorciers, mais aussi ceux qui se rebellent contre l’ordre politique. […] La forêt évoque des scènes d’enchantement, elle brouille les oppositions logiques, les catégories subjectives, un lieu où les perceptions se confondent. (2001, p. 26)
La rivière semble être le lieu central du féminin et du maternel, dans toute sa beauté et son horreur.
Dans ce passage, Dufourmantelle fait coïncider un concept temporel avec un espace précis : la forêt. Cette dernière, selon l’imaginaire occidental, est associée à la notion temporelle de l’immémorial, de l’archaïque, d’un temps primordial encore vierge d’une division binaire entre le bien et le mal. L’espace naturel et sauvage coïncide, chez Dufourmantelle, avec ce temps ancien. Dans Feue, la configuration du village divise clairement les espaces naturels et les espaces culturels. Le récit est lui-même divisé en quatre sections : la maison, le village, la rivière et la cabane. La maison des Bellay, envahie de verdure, et la rivière sont des endroits naturels où pourra s’épanouir le féminin. La rivière semble être le lieu central du féminin et du maternel, dans toute sa beauté et son horreur.
Contrairement à Dufourmantelle qui aborde la forêt, c’est la rivière qui donne accès à cet espace-temps archaïque dans le roman Feue. Bien que la forêt et la rivière soient toutes deux des éléments naturels intouchés par l’homme, la rivière a peut-être une connotation encore plus féminine et parfois maternelle (Boyce, 1994, p. 294). Inversement, la civilisation est l’espace du masculin. Dans Feue, le village est le lieu des hommes. Bâti autour d’une autoroute, il est un espace transitoire, un pit stop. Les camionneurs font le plein d’essence et se ravitaillent, en plus de profiter des services sexuels des serveuses avant de repartir. Les hommes traversent le village sur un axe horizontal : ils viennent, en profitent et disparaissent. À l’inverse, les femmes du roman n’ont pas ce luxe. Aux prises avec des responsabilités, elles n’ont aucune échappatoire. Plusieurs femmes du village se retrouvent enceintes, seules, et sont donc condamnées à l’immobilité. Pour les femmes du village, la seule voie vers la liberté se trouve dans la transcendance, c’est-à-dire dans la mort. Les femmes du récit évoluent, contrairement aux hommes, selon un axe vertical, et ce tant à un niveau symbolique (damnation vers le bas, évolution vers le haut) que physique (immersion profonde dans la rivière, dissolution dans les flammes). Les femmes investissent les lieux naturels qui leur permettent de retrouver leur essence profonde, et la rivière joue un rôle central dans l’évolution des femmes dans le récit. Ainsi, la rivière est le lieu favori de Vanessa. C’est le seul endroit où elle se sent véritablement bien. Ce qu’elle préfère, c’est s’y baigner, nue. Dans une société étouffée par les conventions, où chacun.e observe et juge ses voisin.e.s, Vanessa doit constamment se restreindre. En proie aux regards réprobateurs et aux reproches des villageois.es, elle ne se sent libre que dans la nature, particulièrement dans la rivière. À plusieurs reprises, Vanessa mentionne ses pieds confinés dans ses souliers alors qu’elle préférerait qu’ils soient nus (F, p. 77). Ils semblent être la métaphore d’un confinement produit par les normes sociales. Il en va de même pour ses longs cheveux, qu’elle veut laisser détachés et qui lui donnent un air « sauvage » (F, p. 16). Dans la rivière, nue et cheveux lâchés, Vanessa retrouve sa puissance de femme libre, sa force archaïque de mère toute-puissante qu’elle transférera à ses filles.
Dans son ouvrage, Mona Chollet explique la séparation historique de l’humain et de son environnement qui se produit dans la philosophie moderne, notamment avec les apports de René Descartes et de Thomas Hobbes :
Il se produit à cette époque ce que Susan Bordo appelle un « drame de la parturition » : un arrachement à l’univers organique et maternel du Moyen Âge pour se projeter dans un monde neuf où règnent « la clarté, le détachement et l’objectivité ». L’être humain en émerge « comme une entité résolument séparée, ayant rompu tout lien de continuité avec l’univers dont il partageait autrefois l’âme. » (2018, p. 190)
Selon des autrices écoféministes comme Susan Bordo et Starhawk (Chollet, 2018, p. 227), cette déconnexion va de pair avec le mépris de la femme et des qualités qui lui sont habituellement associées. L’intuition et le « ressenti » sont dérisoires dans un monde mécanique où rien n’est relié. Dans le roman de Lessard, si la nature est le lieu où les femmes retrouvent leur liberté, la rivière semble être l’endroit précis où non seulement les femmes retrouvent la connexion organique initiale, mais où les limites s’estompent même entre elles : la limite entre la mère et la fille n’est plus claire lorsque Laura est confondue avec Vanessa par Abel, puis par Robert. Sont-elles la même? La rivière est le lieu où les frontières sont poreuses, où les êtres et les éléments se fondent, où la dissolution et la fusion sont possibles. Irigaray demande, dans « Le corps-à-corps avec la mère », où se trouvent les représentations symboliques de la fusion initiale entre mère et fille : « Mais où se tient, pour nous, l’imaginaire et la symbolique intra-utérine et du premier corps-à-corps avec la mère? Dans quelle nuit, quelle folie, sont-ils laissés? » (1987, p. 27) Ici, cette symbolique se retrouve dans l’eau.
Dans le roman, la rivière est le lieu même de la filiation entre mère et filles. Tous les chapitres narrés par Laura sont écrits à la deuxième personne, sauf un : celui où elle raconte un souvenir d’enfance où Virginia, sa mère et elle se baignaient dans la rivière. Celui-là est écrit à la première personne du singulier. La baignade dans la rivière est un des seuls événements heureux du récit. Si Laura narre ce chapitre à la première personne, c’est parce qu’à ce moment elle se sent elle-même, contrairement aux autres chapitres où elle s’exprime à la deuxième personne, comme si elle s’imposait un rôle qu’elle devait combler par obligation : « Votre père, il boit. Ce qu’il jette par les fenêtres, tu le reprends ici. […] Il faut avoir la couenne dure ici. Pendant que Danielle fait le café et coupe le pain, tu prends les premières commandes. » (F, p. 37) Dans le chapitre où Laura est à la rivière, elle est libre et elle n’a aucun souci. Elle n’est pas la femme prisonnière d’une série d’obligations :
On se déshabille et on saute dans la rivière. [Vanessa et Mitchell] se retournent et nous regardent, elle a les joues toutes roses puis elle perd l’équilibre et tombe avec nous. Ce que c’est drôle. Virginia et moi rions comme des folles. L’homme se sauve en courant. Maman est fâchée d’être tombée, mais ça lui prend avec nous, le fou rire. Et on rit comme des folles dans la rivière. (F, p. 96)
Se combinent dans cet épisode plaisir sexuel, nudité, liberté, famille et rires. Les filles ne s’offusquent pas de la sexualité de leur mère : elles s’en réjouissent. La mère n’est pas honteuse d’être déshabillée devant ses filles. Mère et filles vivent leur nudité et leur sexualité sans conflits. Dans Naître d’une femme : la maternité en tant qu’expérience et institution, Adrienne Rich explique que la première connaissance de la sécurité et de la volupté du bébé lui vient du corps de sa mère. Elle mentionne que « l’hétérosexualité institutionnalisée et la maternité institutionnalisée exigent que l’enfant de sexe féminin effectue le transfert de ces premières sensations de dépendance, d’exotisme, d’échange, de la première femme à un homme, si cette fille veut devenir une femme « normale » » (1976/1980, p. 216). Dans la rivière, les tabous du village ne s’appliquent plus. Les trois femmes Bellay peuvent vivre à nouveau cette passion primordiale que connaissent les nourrissons avec leur mère, juste avant la séparation obligatoire instituée par le patriarcat.
La rivière, en tant qu’espace sacré du féminin, est un lieu de filiation, mais aussi un lieu de sang et d’horreur. Le féminin et le maternel archaïques ne sont pas dépourvus de violence.
La rivière est donc, dans Feue, l’espace préœdipien par excellence, selon la définition de Irigaray5 Selon Irigaray, la période pré-œdipienne est celle où l’enfant ne différencie pas encore sa mère de lui-même (1987, p. 25.). Il s’agit du lieu où il y a à la fois une fusion et une séparation, tout comme un bébé est simultanément sa mère et un être différent d’elle dans sa vie intra-utérine. Comme le mentionne Irigaray, l’étape préœdipienne du développement de l’enfant est assez mal vue par les psychanalystes : « Il y aurait là risque de fusion, de mort, de sommeil létal, si le père ne venait pas trancher ce lien trop étroit avec la matrice originelle » (1987, p. 26). La fusion avec la mère fait peur, menace, épouvante. La psychanalyse ne voit pas de fin à cette passion mortifère où deux êtres vivants se vampirisent l’un l’autre, allant vers un seul dénouement, celui de l’annihilation mutuelle. Pourtant, Irigaray mentionne qu’il « n’y a pas de raison que la faim d’un enfant ou l’appétit sexuel d’une femme soient insatiables » (1987, p. 27). La rivière, en tant qu’espace sacré du féminin, est un lieu de filiation, mais aussi un lieu de sang et d’horreur. Le féminin et le maternel archaïques ne sont pas dépourvus de violence. Ce qui se produit dans la rivière semble faire écho avec ce qu’Anne Dufourmantelle a nommé « la sauvagerie maternelle » :
[Il s’agit d’]un espace-temps préœdipien qui est la matrice de tout lien humain, en tant qu’il est transcendé par ce lien même, à savoir une dimension que certaines civilisations ont cru animale ou sacrée, que d’autres cultures ont qualifiée de purement virtuelle (la nôtre, souvent), mais qui néanmoins se traduit par la possibilité même de dire « je » et « tu ». (2001, p. 14)
Cet espace-temps se réfère à l’étape préœdipienne et à la mémoire collective inscrite dans le corporel et le sacré, où se joue la négociation entre les deux entités que sont la mère et l’enfant.
Ainsi, les événements qui ont lieu dans la rivière semblent appartenir à ce domaine. Ce qui s’y produit dépasse l’entendement de l’ici-maintenant : c’est un lieu où l’enfoui refait surface, un lieu dans lequel émerge l’animal et le sacré de toute civilisation. Effectivement, la rivière est l’endroit où Laura se rend régulièrement pour se baigner et pleurer sa mère disparue, mais aussi pour y faire ses propres avortements. À un moment, Abel, le nouvel arrivant au village, suit Laura, nue, qui court se jeter dans la rivière. Sans sa permission, il l’observe :
Je ne sais pas combien de temps je suis resté là, à la regarder, camouflé derrière les branches, mais j’ai eu l’impression qu’elle n’avait pas bougé une seule fois. Comme une morte au milieu de la rivière. Sa tête flottait et je l’entendais gémir. C’était une vision étrange, voire d’horreur. Une sirène abattue dans une rivière. Elle s’affairait à son ouvrage douloureux. Ces filles-là doivent tout prendre en charge, c’est désolant. En même temps, elles savent tout faire toutes seules, jusqu’à leur propre avortement. Je ne crois pas qu’elle aurait voulu que je sois là. […] J’avais l’impression d’avoir désobéi, l’impression de me trouver sur un terrain profané en arrivant comme ça, par effraction […] l’endroit, les circonstances, Laura en transe, tout m’apparaissait angoissant. (F, p. 127-128)
Abel se trouve sur un terrain qui lui est interdit. Il assiste à une scène de sauvagerie maternelle qu’il n’arrive pas à comprendre. La vision d’Abel est floue : il voit Laura qu’il confond avec une sirène et une morte. Cette scène fait écho à un chapitre précédent du livre où c’est Mitchell qui suit et épie Vanessa se baignant nue au même endroit. En rappelant une sirène et une morte, Laura semble donc à ce moment représenter sa mère et elle-même à la fois. Abel voit quelque chose de plus grand que l’ici-maintenant : il assiste à un événement sacré qui s’apparente au fantastique et au mythe6 Le mythe, selon Michel Guérin, est un récit de genèse qui provient d’un temps immémorial et sa fonction en est une de réminiscence : « Il renvoie à une Mémoire qui est strictement immémoriale, donc paradoxalement à peu près oubliée toutes les fois qu’on cherche à l’exciter. » (2007, p 96). Ainsi, le mythe est un récit fondateur qui sert de référence du passé chaque fois que se représente une situation analogue à celle du récit sacré en question. . Ce qu’Abel aperçoit, ce n’est pas simplement Laura dans la rivière : c’est l’image primordiale de la femme en souffrance qui se représente dans le corps d’une myriade de femmes différentes. La douleur de Laura et la folie qui émanent d’elle sont propres à la sauvagerie maternelle, incompréhensible pour Abel qui, à sa vue, se pétrifie. Pour lui, cette scène est effrayante et il cherchera dorénavant à fuir. Le roman se termine d’ailleurs sur la fuite d’Abel du village qui, après avoir été témoin de la puissance destructrice de Virginia et de Vanessa, se désole : « J’étais effrayé, mon cœur battait encore à toute vitesse même si je venais de parcourir des kilomètres. » (F, p. 192). Par sa symbolique, la rivière de Feue devient un espace mythique réservé au féminin et craint des hommes, comme en témoigne Abel.
De nouveaux mythes pour structurer un nouveau discours
La rivière joue un rôle crucial dans le roman et il en est de même, évidemment, pour le feu. Ce dernier se trouve à être un adjuvant des femmes du village. Il est sous-entendu que Vanessa a mis le feu à sa maison, lorsque ses filles étaient enfants. Les hommes du village sont venus l’éteindre, mais la maison en est restée très altérée. Avec le temps, la demeure paraît se transformer en paysage naturel : « La cheminée condamnée au milieu du salon comme un arbre mort. […] Au plafond, la peinture s’écaille en minces croûtes. Le haut des poutres s’épluche, les morceaux tombent comme des feuilles. Le plancher ressemble à un tapis de neige et on n’y marche plus » (F, p. 14). Lorsque Joey l’abandonne enceinte, Danielle, la collègue de Laura, met le feu à sa roulotte pour y laisser un espace où pourra jouer son enfant (F, p. 114). Finalement, Laura et Virginia incendient une deuxième fois leur maison, en plus d’allumer des feux dans la grange et sur le terrain.
Par le feu, les femmes se réapproprient peu à peu le village. Elles détruisent l’ordre patriarcal pour repartir sur de nouvelles bases. Comme le feu qui régénère la forêt, les femmes font table rase des structures patriarcales pour établir une filiation féminine qui va de pair avec un retour à la nature. Parallèlement à ces incendies de plus en plus nombreux, certaines femmes du village commencent à s’allier. Laura rend visite à Danielle lorsqu’elle apprend que celle-ci attend un enfant de Mitchell ou de Joey. Les deux femmes vont s’unir à Theresa, la mère de Danielle, et Anne, une serveuse mère de trois enfants, pour s’assurer que Mitchell assume ses responsabilités de père.
Dans la littérature, ce n’est pas la première fois que pouvoir féminin et nature s’allient par désir de vengeance. Dans le mythe de Déméter et Perséphone, Déméter, la déesse de la moisson, rend la terre infertile en riposte au rapt de sa fille par le dieu des enfers, Hadès. Ce geste poussera Zeus à demander à Hadès de redonner Perséphone à sa mère par pitié pour les humains en famine. Grâce à son pouvoir sur la nature, Déméter arrive à retrouver sa fille neuf mois par année (Hamilton, 1942/2009, p. 59). Ici, le mythe est inversé : ce sont les filles qui mettent le feu et donc stérilisent la terre alors que la mère a disparu. Il s’agit aussi d’une inversion de l’histoire des chasses aux sorcières. Cette fois, ce ne sont plus les femmes qui sont brûlées vives, mais les lieux empreints de violences patriarcales. Virginia, comme une offrande sacrée, se place dans les flammes de son plein gré, prête à rejoindre sa mère dans la nature et à se venger de son père et de la société machiste. Le feu leur ramène, en quelque sorte, leur mère : l’esprit de celle-ci hante les flammes et vit à travers ses filles.
Dans le même ordre d’idées, au terme du roman, certains hommes du village témoignent de leur perception des incendies. Perdu sur son terrain en feu, Robert Bellay croit apercevoir Laura, mais la confond avec Vanessa. Abel, qui au même moment cherche Virginia dans le feu, la trouve au pied du chêne en flammes : « Elle était là. Épouvantable et nue. Mes pas se sont rapprochés, comme attirés par le magnétisme de la scène. Elle était à la fois Virginia et sa mère. Je ne sais pas pourquoi, mais j’ai su qu’elle était sa mère » (F, p. 191). Les trois femmes sont à la fois différentes et semblables : elles forment une trinité féminine omnipotente dans les flammes. Leur pouvoir destructeur ne semble pas seulement canaliser la colère des trois femmes Bellay; il apparaît ici comme une colère archaïque et sacrée qui transcende les époques. Les femmes Bellay se consument dans des flammes vengeresses qui ne cesseront de hanter Abel, même après qu’il ait quitté le village en vitesse, dans un excès d’épouvante.
Ainsi, les trois femmes Bellay réécrivent le mythe de la trinité, cette fois au féminin. En mourant, Vanessa s’est inscrite dans la mémoire de ses filles. Désormais, elle est immortelle. Elle vit et se manifeste à travers ses filles. Elle apparaît aussi dans la rivière, espace sacré du féminin, et dans les flammes. Par l’acte de se jeter dans les flammes, Virginia s’inscrit dans le sacré avec sa mère pour mieux incarner la femme mythique, primordiale, toute-puissante. Elles créent un nouveau récit fondateur sur lequel bâtir un nouveau village, un nouveau discours, une nouvelle réalité sociale.
Somme toute, le titre Feue fait bien état de la situation de Vanessa : il évoque ce qui a déjà été, au féminin.
Somme toute, le titre Feue fait bien état de la situation de Vanessa : il évoque ce qui a déjà été, au féminin. Il implique aussi la référence au feu et à la puissance. Le titre Feue laisse entendre que le féminin n’est puissant que dans la mémoire qu’il lègue, une fois mort. Vanessa et Virginia devaient mourir pour devenir toutes-puissantes et changer l’imaginaire. Est-il donc impossible de penser une mère puissante et vivante dans la littérature? Est-ce donc que Vanessa n’a jamais pu être femme désireuse et désirée, et mère? En effet, il y a séparation littérale : après sa mort, les hommes empaillent le corps de Vanessa pour le posséder, alors que son esprit maternel vit en ses filles. Est-ce impossible d’être une femme multifacette, mère et sujet sexué dans notre société actuelle? Le récit donne à croire que Danielle semblerait pouvoir incarner une telle femme. Il a cependant fallu la mort de Vanessa pour rapprocher les femmes, prêtes à se reconstruire sur de nouvelles bases. Comme le mentionne l’écrivaine écoféministe Carol P. Christ, « [l]’esprit a horreur du vide. Les systèmes symboliques ne peuvent pas simplement être rejetés; ils doivent être remplacés » (1978, citée dans Chollet, 2018, p. 227). En réécrivant le mythe de la trinité, les femmes Bellay construisent les bases d’un imaginaire nouveau peuplé de femmes puissantes, indépendantes, sorcières.
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