Reprendre racine
Les épines du monde
Je suis née
à l’heure des criards
apparue des racines ornées de terre
les bras pleins de sève
le corps confus d’empreintes
et la mer en écume dans la gorge
j’ai grandi
les pieds dans la glaise
à gratter jusqu’au sang
le moule opaque
comme un dessein tragique
ma voix confinée
j’ai soufflé
mes poèmes épars
aux oreilles du vent
pour que tout le monde m’entende
résonner dans ses entailles
ma voix éraillée
le jour de ma destruction
j’ai peint le ciel en noir
pour appeler le silence
à s’immoler
ma voix en braise
quand la canicule s’est mêlée au soufre
je me suis ralliée
aux poèmes en tempête
de toutes celles
brûlées d’engelures
quand les arbres ont résonné
j’ai marché
sur le sable brûlant
la bouche bourrée d’échardes
en criant mon écorce
quand les émeutes ont fleuri
j’ai grimpé les palissades
en jouissant de lumière
et en buvant l’encre
aux crocs des oracles
en étalant notre brillance en chœurs
nous avons bramé
sur le toit du monde
l’aplomb des perles condamnées
et dans toutes mes aiguilles scintillantes
trempe d’une pluie nomade
la plume de mes mains incandescentes
se dresse au fond des champs
à foutre le feu dans les regards
je suis les bourrasques des chants
je suis l’aridité du ciel
je suis les graines de nos larmes
je suis la révolte ardente
je suis
les épines du monde