Mon corps de grosse
Je suis grosse quand j’me lève le matin pis quand j’me couche le soir.
Je suis grosse quand j’prends plus que l’espace qui m’est réservé sur un banc public ou sur les chaises pivotantes dans l’amphithéâtre de mon cours de sociologie.
Je suis grosse quand j’mets mes bottes pis que ma bedaine plie pas, pis que j’arrête soudainement de respirer.
Je suis grosse quand mon père me dit que j’suis bacaisse pis quand ma mère me dit que ma robe noire me fait bien.
Je suis grosse quand l’été arrive, que j’mets mon two piece pis que j’flotte dans piscine.
Je suis grosse quand j’sors du bain, quand j’m’accroche aux rebords pis que j’me donne un swing pour en sortir.
Je suis grosse quand tu me regardes.
Je suis grosse dans le miroir.
Je suis grosse quand tu désires mon corps gros.
Mon gros corps de grosse.
Je suis toujours là à voir mon corps gros pas fiter nulle part.
Pis à pas avoir envie de le faire fiter.
Je suis toujours là à le regarder, à penser que tout le monde fait juste le regarder, à les regarder me regarder, à regarder mon corps étranger, mon enfant chéri.
Je suis toujours là en train d’être grosse.
Je suis toujours là pareille.
Je suis toujours là.
Je suis là.
Je prends de la place.
Une place et demi.
Je suis la grosse dans ton histoire.
Je suis une grosse.
Je suis une personne grosse.
Une FEMME grosse.
J’déborde de partout.
J’déborde le matin quand je m’assoie dans mon lit pis que mon corps s’étale tout autour de moi.
Mon corps est rempli, il est plein, il va craquer.
Mon corps a trop été arrosé.
Il coule mon corps pis j’trouve pu le bouchon.
Mon corps, il se pitche partout.
Y’est pas pratique mon corps.
Il m’écoute pas.
Mon corps, y’a sa propre personnalité.
Mon corps pis moi on est deux des fois. Mon corps. Pis moi.
D’autres fois, j’aurais envie de l’embrasser mon corps.
De l’enlacer.
De le féliciter.
De lui dire merci.
Merci d’être comme il est.
Merci d’être.
Je suis fière de lui quand il fait la split.
Quand il fait l’amour.
Quand il soulève de lourdes charges.
Quand il chante.
Quand il est juste là à être gros pis plein pis dodu pis rempli pis immobile.
Quand il danse (mal).
Quand il me rend à bon port.
Ou à n’importe quel autre.